14 septembre 2021

LISA pour détecter les ondes gravitationnelles

Le CSEM teste actuellement un laser spécial développé par la NASA, dans le cadre de la mission spatiale LISA. Cordonnée par l’Agence Spatiale Européenne (ESA), cette mission vise à détecter les ondes gravitationnelles depuis l’espace. A travers ce projet astrophysique majeur, l’ESA entend obtenir des informations inédites sur la structure des trous noirs et les origines de l’univers. Le lancement des trois satellites impliqués dans cette mission est prévu pour 2034

Special laser developed by NASA for the Laser Interferometer Space Antenna (LISA) mission

Décrites il y a plus d’un siècle par Albert Einstein, les ondes gravitationnelles renferment des informations cruciales sur l’histoire et la structure de notre univers. Elles sont générées lors de phénomènes astrophysiques majeurs, tels que les fusions ou les collisions de trous noirs. Ces événements sont si puissants que les ondes produites déforment l'espace-temps. Pour les astrophysiciens, l’enjeu consiste à mesurer ces distorsions – ou ondes gravitationnelles – afin de mieux comprendre l’origine de notre univers (Big-Bang), ainsi que les trous noirs, étoiles et galaxies qui le composent.

Détectées pour la première fois sur terre en 2015 à l’aide de deux observatoires interférométriques géants (voir encadré), les ondes gravitationnelles ont révélé une partie de leur potentiel scientifique. L’expérience a toutefois été limitée par la taille des outils de mesures et par les perturbations terrestres.

Coordonnée par l’ESA, la mission LISA (Laser Interferometer Space Antenna) entend surmonter ces obstacles en détectant ces ondes directement dans l’espace. Trois satellites situés à une distance de 2,5 millions de kilomètres et dessinant un triangle équilatéral, formeront un interféromètre d’une taille plusieurs centaines de fois supérieure à celle de la terre. LISA sera la toute première mission à sonder l'univers avec des ondes gravitationnelles, ouvrant la porte à un nouveau champs de recherche. En combinant les observations faites avec les ondes gravitationnelles, et celles réalisées avec les ondes électromagnétiques (rayons x, UV, infrarouge, lumière, radio, etc.), il sera en effet possible d’identifier et de caractériser des événements cosmiques comme jamais auparavant.

CSEM's Lauriane Karlen

L’ESA collabore étroitement avec de nombreux partenaires internationaux dont la NASA, qui a conçu un laser infrarouge sur mesure qui repousse toutes les limites connues en termes de stabilité (voir le communiqué de la NASA). Le CSEM a quant à lui été désigné par l’ESA pour fournir un soutien et une expertise métrologique pour la mission, en raison de son expérience solide dans les projets spatiaux et de son savoir-faire étendu en matière de lasers ultra-stables. Son rôle consiste, entre autres, à vérifier la stabilité de la fréquence et de la puissance des lasers de la NASA afin qu’ils répondent aux besoins spécifiques de la mission LISA. Les tests sont en cours sur le site de l’Observatoire du CSEM à Neuchâtel.

« Nous avons installé nos équipements au sous-sol dans un laboratoire dédié et récemment aménagé, pour limiter au maximum les perturbations extérieures, telles que les variations de températures ou les vibrations », explique Lauriane Karlen, ingénieure au CSEM. « Pour mesurer la stabilité de fréquence du laser de la NASA, nous le comparons à nos lasers de référence, qui sont stabilisés sur une cavité ».

Une vérification cruciale. Les signaux des ondes gravitationnelles sont en effet infimes. Dans l’espace, le système devra être capable de détecter des mouvements de l’ordre du picomètre (plus petit qu’un atome) sur une distance de 2,5 millions de kilomètres. La réussite de la mission repose donc largement sur l’ultra-précision de ses équipements.

« La NASA a fait des progrès remarquables pour développer un modèle de système laser ultra-stable, qui permettra de réaliser des mesures spatiales révolutionnaires dans le domaine des ondes gravitationnelles », indique Terence Doiron, LISA Study Manager à la NASA. « Les tests et les analyses effectués au CSEM devraient permettre d'améliorer encore notre modèle. »

Déroulement de la mission

La mission est prévue pour 2034. Une fois lancés, les trois engins spatiaux seront postés à quelque
50 millions de kilomètres derrière la terre, et ils la suivront autour du soleil. Les trois vaisseaux enverront et recevront simultanément des lasers, de sorte à faire circuler les faisceaux entre eux. Les ondes gravitationnelles ayant pour caractéristique de déformer l’espace-temps, elles provoqueront les variations de distance infimes et mesurable par les lasers, entre des masses complètement libres situées à l’intérieur des engins.

« Si elle aboutit, la mission LISA étendra considérablement nos connaissances en astrophysique. Elle permettra d’observer les premiers instants de phénomènes cataclysmiques à l’échelle de l’univers », se réjouit Fabien Droz, chef de l’activité instrumentation au CSEM.  « Nous sommes honorés de participer à cette mission d’envergure ».

Les ondes gravitationnelles sont des éléments essentiels de la théorie de la relativité générale d’Einstein, qui indique que tout corps en accélération crée des ondes lors de ses mouvements, en fonction de sa masse. Au contraire des ondes électromagnétiques connues (lumière, radio), elles interagissent peu avec la matière, ce qui leur permet de voyager sur de grandes distances sans être affectées. Autre avantage, elles donnent accès à des objets cosmiques qui n’émettent pas d’ondes électromagnétiques, tels que les trous noirs.

Les ondes gravitationnelles sont observées la première fois en 2015 et de façon simultanée par deux observatoires LIGO, situés à plusieurs milliers de kilomètres l’un de l’autre. Ces ondes avaient été émises il y a 1,3 milliard d’année, lors de la fusion de deux trous noirs.

En 2017, le Prix Nobel de physique est attribué à trois scientifiques pour l’observation expérimentale des ondes gravitationnelles.

La mission LISA tentera d’aborder plusieurs questions et sujets d’études-clés.

Exemples 

Les trous noirs supermassifs. Quand les premiers trous noirs se sont-ils formés ? Quel est leur mécanisme de formation dans les noyaux galactiques ? Comment évoluent-ils dans le temps cosmique ?

La gravité. Quelle est la nature de la gravité ? Comment se propage l’information gravitationnelle ? Quelle est la structure de l’espace-temps ? L’espace-temps contient-il des horizons ?

Les étoiles binaires. Quelle est la structure de la voie lactée ? Combien y a-t-il d’étoiles binaires ultra-compactes dans la voie lactée ?

Origines de l’univers. LISA va étudier trois périodes principales de l’évolution dans l’histoire cosmique. L’aube cosmique, lorsque l’univers avait quelques centaines de millions d’années et que les premières étoiles, trous noirs et disques galactiques se formaient. Le Cosmic High Noon ou moment critique de transformation des galaxies, avec un taux de formation d’étoiles à son apogée. Le Cosmic afternoon, notre temps présent, alors que la formation des étoiles est en déclin, et que l’évolution est ralentie.   

Pour plus d'information, consultez les sites suivants

  • Site de la Mission : LISA
  • Site de l’ESA : LISA
  • Site de la NASA : LISA
Communiqué de presse