27 septembre 2019

Sur les traces d’Einstein

Un prototype de laser pour détecter les ondes gravitationnelles depuis l’espace - Cet instrument est clé pour la mission LISA visant à détecter des ondes gravitationnelles depuis l’espace. Il est présenté à l’occasion du Congrès OSA Laser

Artist impression of the ESA/NASA LISA space-based gravitational-wave observatory.

Avec les entreprises Syderal et OEwaves, le CSEM a mis au point un prototype de système laser destiné au tout premier observatoire spatial d’ondes gravitationnelles, la mission Laser Interferometer Space Antenna (LISA). Le nouveau système laser répond presque entièrement aux exigences strictes imposées à l’instrumentation utilisée dans le cadre de cette mission, ce qui représente une étape importante vers la concrétisation de ce programme ambitieux.

Prototype

«Consistant à concevoir un système laser doté de performances de pointe et répondant aux critères de fiabilité particulièrement rigoureux d’une mission spatiale, ce défi a été des plus motivants», s’enthousiasme Steve Lecomte, chef du secteur Temps & Fréquence au CSEM. Les performances de ce prototype sont présentées lors du Congrès Laser 2019 de l’Optical Society of America (OSA), qui se tient du 29 septembre au 3 octobre à Vienne, en Autriche.

En déployant un système de détection d’ondes gravitationnelles dans l’espace, LISA viendra s’ajouter aux détecteurs terrestres existants. Parmi eux, on peut citer l’Observatoire d’ondes gravitationnelles par interférométrie laser LIGO qui est financé par la Fondation nationale pour la science (NSF). C’est lui qui, en 2016, a réalisé la toute première observation directe d’ondes gravitationnelles, des vibrations de l’espace-temps prédites 100 ans plus tôt par Albert Einstein dans sa théorie de la relativité générale.

Les Observatoires LIGO, VIRGO (IT) et LISA recourent à des lasers pour détecter les ondes gravitationnelles. Outre les critères de précision et de fiabilité auxquels doit répondre ce type de détecteur, le laser de la mission LISA doit également respecter des exigences visant à assurer son fonctionnement durable dans l’espace.

Le projet LISA est mené par l’Agence spatiale européenne (ESA), en collaboration avec la National Aeronautics and Space Administration (NASA).

Des exigences contraignantes pour des mesures précises

La mission LISA, qui devrait être lancée au début des années 2030, se composera de trois satellites placés à plusieurs millions de kilomètres les uns des autres de sorte à former un triangle. Des rayons laser circuleront entre les trois vaisseaux qui pourront ainsi détecter des signaux indiquant la présence d’ondes gravitationnelles.

Les très nombreux éléments qui composent le système LISA doivent fonctionner parfaitement, aussi bien indépendamment les uns des autres qu’ensemble, pour garantir la réussite de la mission. Le laser doit, pour sa part, remplir des critères très stricts notamment en termes de puissance de sortie, de longueur d’onde, de bruit, de stabilité et de pureté spectrale.

Le prototype conçu par le CSEM, Syderal et OEwaves est conforme à la quasi-totalité des exigences définies par l’ESA et la NASA. Tous les composants électroniques et optiques du laser sont soit compatibles avec l’environnement spatial, soit basés sur des technologies pouvant recourir à des composants qui le sont.

Au niveau du système laser, c’est le laser à injection développé par OEwaves qui intervient dans un premier temps. Il s’agit du premier laser doté d’un verrouillage en longueur d’onde par autoinjection fonctionnant à la longueur d’onde spécifiquement définie pour la mission, à savoir 1064 nanomètres. La lumière émise par le laser est ensuite injectée dans un amplificateur à fibres optiques dopées à ytterbium (YDFA) disposant d’un système de pompe centrale, qui permet de faire passer la puissance moyenne de 12 à 46 milliwatts. Une partie de la lumière amplifiée est ensuite redirigée vers une cavité optique de référence, qui améliore la pureté spectrale et la stabilité de fréquence du laser de plusieurs ordres de grandeur.

La majeure partie de la lumière traverse ensuite un modulateur de phase permettant d’ajouter de nouvelles informations qui permettront à la mission de comparer les signaux captés par les trois vaisseaux grâce au processus de l’interférométrie. Finalement, deux YDFAs amplifient le signal qui atteint ainsi quasiment 3 Watts. Une stabilisation active de la puissance de sortie est également implémentée.

Tests de performance

L’équipe a créé des dispositifs de métrologie spécialement conçue pour tester son prototype de système de laser. Elle a utilisé un laser stabilisé sur cavité à faisceau très étroit de 1 560 nanomètres, un peigne de fréquences optiques, un maser à hydrogène actif ainsi que des photodétecteurs stabilisés en température et à faible dérive afin d’évaluer la stabilité de la fréquence et de l’amplitude du système.

Les tests ont démontré que le prototype était conforme aux spécifications LISA pour tout le spectre de fréquences, à l’exception des fréquences inférieures à 1 MHz et supérieures à 5 MHz et répondait aux exigences en matière de bruit. Dans les cas où les tests révèlent de petits écarts avec les spécifications requises, les ingénieurs ont identifié les causes probables de ces variations et proposé des solutions d’amélioration. Ces solutions passent, entre autres, par des améliorations techniques du laser à injection, en ajoutant par exemple un port d’extraction au résonateur afin de réduire le bruit à haute fréquence.  

«La date de lancement prévue peu après 2030 peut sembler lointaine, mais nous avons encore de nombreux progrès technologiques à réaliser. L’équipe est prête à poursuivre cette formidable aventure», se réjouit Steve Lecomte.

L’ESA va maintenant évaluer les prototypes développés et choisira celui qui sera embarqué pour cette mission qui doit nous aider à mieux comprendre nos origines.

Liens